Vous souvenez-vous du générique de la série Arnold et Willy ? Une chanson remplie de bons sentiments, qui livrait un message de tolérance, d’ouverture d’esprit et de diversité. Des paroles chargées d’enseignements importants, que ce soit à destination des petits, ou des plus grands. Un titre positif, qui mettrait même de bonne humeur un supporter du PSG muté à Marseille !
Le problème, c’est que le monde du travail se trouve aux antipodes de celui de la famille Drummond… On sait qu’il faut de tout pour faire un monde et que personne ne choisit sa couleur, mais beaucoup de personnes ont du mal à le comprendre et à l’assimiler.Discriminations, préjugés, stigmatisations, mises au placard, situations de dévalorisation… bienvenue en entreprise ! Si vous relisez la phrase précédente avec la voix de Bernard de La Villardière, vous aurez l’impression de regarder un numéro de Zone Interdite.
Ce mardi 01 décembre 2020, vous vous êtes peut-être étouffé·e avec votre premier chocolat du calendrier de l’Avent, en découvrant le 13ème baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi, publié conjointement par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT)…
Le document comporte énormément de données intéressantes que nous pourrions détailler les unes après les autres… mais nous allons nous consacrer sur 5 chiffres clés :
42% des personnes actives rapportent avoir été témoins de discrimination(s) ou de harcèlement discriminatoire au cours de leur carrière, sur le physique (dans 52% des cas), le sexe (49% des cas), et l’origine ethnique (47% des cas).
41% des actifs « déclarent avoir été victimes d’au moins un propos ou comportement sexistes, homophobes, racistes, lié à l’état de santé ou au handicap, à la religion ou à d’autres caractéristiques personnelles au travail ».
environ 80% des actifs, en France, « déclarent avoir déjà connu une situation de dévalorisation au cours de leur vie professionnelle », c’est-à-dire mise au placard, attribution de tâches inutiles, ou encore pression pour en faire plus (pour ne citer que ces motifs). Et comme les clichés ont la dent dure, les femmes sont plus souvent sous-estimées que les hommes, et les hommes sont plus souvent incités à en faire plus, pour que leur travail soit reconnu…
Et last, but not least, « 23% des personnes actives en France déclarent avoir déjà été victimes de discrimination(s) ou de harcèlement discriminatoire dans l’emploi ». Bien évidemment, vos chances (quel drôle de mot) d’être victime d’une discrimination augmentent si vous cumulez les critères. A la grande loterie de la discrimination, une femme handicapée qui n’est pas blanche touche le jackpot !
Pire encore : 31% des actifs déclarant avoir été victimes de discriminations disent avoir démissionné ou négocié un licenciement, 19% ont été licenciés ou n’ont pas vu leur contrat être renouvelé, 19% ont été mutés à leur demande. Maigre consolation : 18% ont obtenu une réparation et dans seulement 9% des cas, l’auteur des faits a été sanctionné, muté, ou licencié…
En 2020, en France, c’est donc la victime de discriminations qui paye plus que l’auteur… Pour que le rapport s’inverse, il faut mettre les victimes en confiance, pour qu’elles puissent parler et dénoncer ces comportements, sans avoir peur de recevoir des représailles professionnelles (dans 68% des cas, c’est un frein pour se manifester). Dans 47% des cas, les victimes ne disent rien, parce que cela « paraît normal à tout le monde » !!! Cela ne pourra que vous rappeler l’affaire Ubisoft… Mais ce n’est que la partie visible d’un iceberg beaucoup plus important qu’on ne le pense.
Certes, « plus des trois quarts de la population active ayant été confronté à une discrimination, déclarent avoir entrepris des démarches à la suite des faits », que ce soit alerter la direction, ou prévenir les représentants du personnel / les syndicats. Certes, « en 8 ans, les victimes sont deux fois plus nombreuses à réagir face à une discrimination ». Mais cela manque cruellement d’impact sur la réputation des entreprises, ou en matière de sanctions (pour les entreprises et les auteurs des faits reprochés).
Le testing du Gouvernement, sur les discriminations à l’embauche, débouche parfois sur une stratégie de « name and shame ». Peut-être serait-il temps de donner des noms et de ne plus se limiter à quelques hashtags en mode #BalanceTon… Car à l’heure actuelle, si de telles conduites sont toujours possibles, c’est bien parce que les auteurs ne sont pas assez inquiétés. Que la peur est dans le mauvais camp ! Que la pression sociale ne se dirige pas vers les bonnes personnes. Si la Fonction RH ne s’en charge pas, qui le fera ?
L’actweet RH
Ça va bouger chez les livreurs !
Cette semaine, Jean-Yves Frouin, ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation, a remis à Jean Castex son rapport intitulé « Réguler les plateformes numériques de travail ». Tous les volets sont étudiés pour ces travailleurs au statut encore particulier… #WIP
Quatre jours par semaine…
Il y a quelques mois, LDLC lançait la semaine de quatre jours, sans perte de salaire, en France. Aujourd’hui, c’est à Unilever de tester cette même organisation du travail, en Nouvelle-Zélande ! Le test durera un an, avant de, peut-être, s’étendre au reste du monde… #3JoursOff
Noter sa réunion…
Microsoft aime mesurer beaucoup de données… Par le biais de ses logiciels, évidemment, mais pas que. On a, en effet, appris que l’entreprise de Bill Gates cherchait à évaluer les réunions au travail ! En cadeau : des tips pour les rendre plus efficaces. #ProductivityFirst
RH 3000 : the good office
The Good Office
Bonjour, je m’appelle Antoine LAFOND et je reviens du futur, avec de bonnes nouvelles ! Cette semaine, je vous annonce que l’entreprise n’inspire que des success stories aux auteurs et scénaristes. La « pop culture » est désormais remplie d’héroines ordinaires, Collaboratrices engagées qui réussissent à transformer le visage de leur société, ou encore de valeureux chevaliers modernes, salariés bienveillants qui décident d’aider leurs collègues en galère.
Je vous ai déjà parlé de la discrimination, des préjugés, des stéréotypes et des biais dans cette saga, en vous disant qu’en l’an 3000, les gens avaient fait des progrès remarquables en la matière, comprenant que la diversité, et son acceptation, était un pilier en matière de croissance de l’entreprise, et d’engagement.
Cette évolution a inspiré de nombreux écrivains qui ont pu observer et, ainsi, raconter le nouveau monde de l’entreprise. Cet univers qui n’est plus aussi impitoyable qu’au début des années 2000. Cette sphère beaucoup plus ouverte et transparente qu’auparavant. Ce milieu où la Fonction RH et les Managers accordent, désormais, une importance capitale au bien-être général de chaque membre de l’organisation.
Le monde a besoin de bons exemples. De modèles à admirer. De mythes auxquels croire. L’entreprise en regorge, dans le futur. Chaque jour est une occasion de raconter un nouveau succès humain. D’avoir un impact positif, non seulement sur une carrière, mais bien sur un parcours de vie !
Que s’est-il passé en un millénaire ? Beaucoup de choses, vous vous en doutez… Je vous laisse relire les épisodes précédents sur les sujets que j’ai évoqués, juste avant. Globalement, une prise de conscience humaniste a été prise, au fur et à mesure de l’apparition de nouvelles générations. Des combats ont également été menés et des sacrifices ont été faits, par des personnes qui ont voulu se battre pour leurs idéaux, basés sur l’ouverture et l’inclusion.
Forcément, l’Art s’est emparé de ces luttes pour propager un message de tolérance au plus grand nombre… Je ne vous cache pas que les effets positifs sur le business ont fini de convaincre les investisseurs et les patrons… Il en faut pour tout le monde, après tout.
Des séries et des films ont commencé à faire de l’entreprise, un lieu de vie où les gens peuvent être pleinement eux-mêmes, à peu près à partir de 2355 ! Comme d’habitude, quand on se concentre sur les compétences, on ne regarde plus si l’individu en face de nous a telle ou telle croyance, telle ou telle orientation sexuelle, tel ou tel physique… Alors on augmente ses chances de tomber sur un nouveau talent qui saura parfaitement s’exprimer.
Ce dernier épisode peut vous sembler totalement utopique. Mielleux. Presque enfantin. Un conte de Noël (c’est la saison, en même temps). Et c’est bien dommage, si vous le voyez ainsi, car il n’y a rien de plus important, mais aussi de plus simple, que de revoir sa vision du monde et se mettre à la place des autres. C’est par là que le changement a commencé…
Ce futur est incroyable (même pour celles et ceux qui n’aiment pas Netflix) et vous ne pourrez pas dire que vous n’étiez pas au courant.
Rendez-vous la semaine prochaine, pour une future bonne nouvelle… ou une bonne nouvelle du futur !
Info cognito : menace du stéréotype.
Les discriminations sont à combattre, vous le savez et rien ne vous fera changer d’avis là-dessus. Pour vous, le problème est du côté des discriminants : les hommes blancs et hétérosexuels ont à comprendre qu’une diversité de possibilités humaines alternatives existent et que leurs capacités intellectuelles n’ont rien à envier aux leurs. Et vous pensez que les personnes discriminées, elles, ont tout en mains pour le démontrer au quotidien.
C’est normal, c’est dans votre tête.
Claude Steele (de Stanford) et Joshua Aronson (de l’université du Texas) se sont demandé si les réputations négatives dont les groupes discriminés sont la cible pouvaient avoir un effet sur le comportement de leurs membres.
Ils ont demandé à des étudiants blancs et noirs de passer un test de raisonnement selon deux conditions : soit le test était présenté comme une épreuve d’intelligence, soit comme un pré-test de matériel expérimental. Dans le premier cas, l’épreuve a un enjeu : les étudiants se savent évalués. Dans le second cas, au contraire, il n’y a pas d’enjeu.
Lorsque les étudiants qui répondent sont blancs, Steele et Aronson n’observent pas de différences entre les deux conditions. Mais lorsque les étudiants sont noirs, les résultats changent : dans le contexte évaluatif, leur performance est significativement plus faible que dans le contexte non évaluatif. Les étudiants noirs sont soumis à la « menace du stéréotype », c’est-à-dire à la crainte de confirmer un stéréotype attaché à son groupe d’appartenance. La pression créée par la situation provoque un stress supplémentaire, une surcharge cognitive et, finalement, une chute des performances. Paradoxalement, ces moindres performances provoquent la confirmation du stéréotype.
Conclusion ? La prochaine fois que vous entendrez un manager déplorer la sous-performance d’une femme noire « à laquelle pourtant on a donné sa chance », informez le des menaces qui pèsent sur elles…