Le cadre juridique du travail, dont le contrat est la clé de voûte, exerce-t-il une influence sur les processus cognitifs des salariés au travail ?
Bref, existe-t-il une psychologie cognitive du droit ?
L’organisation en structure hiérarchique des textes juridiques sur le travail permet de dissocier les grands textes, de portée générale, et les textes dont l’application est limitée à une branche, une entreprise ou un établissement. Les premiers créent un cadre ; les seconds déclinent et précisent ce cadre pour résoudre un problème local. Par exemple, les grands principes du contrat de travail individuel fournissent depuis des décennies un cadre général suffisant pour être décliné dans des textes consacrés à des problèmes variés et variant dans le temps.
La cognition individuelle est, elle aussi, faite de couches superposées. Au centre se trouvent les connaissances les plus structurantes pour nous : elles sont générales et décrivent des grands principes. A la périphérie, on trouve des connaissances relatives à un domaine circonscrit de la vie sociale. Les niveaux sont liés comme des réseaux : les connaissances périphériques doivent être en accord avec les grands principes des niveaux centraux.
Des recherches minutieuses montrent, dans le cas de la cognition comme dans celui du droit, montre que ces structures de connaissances en niveaux sont formidablement efficaces pour interpréter les problèmes les plus divers. L’articulation entre des règles locales et des règles générales permet de construire des clés d’interprétation stables, fines et puissantes. Par exemple, un dispositif local destiné à développer la flexibilité des horaires de travail sera interprété comme un levier de performance parce qu’il apparaît comme une conséquence des contrats à durée indéterminée : c’est l’existence d’une règle générale qui rend légitime une règle locale. Réciproquement, la règle locale ne peut pas remettre en cause la règle générale.